Ne cherchons plus après les lacunes du marché mais celles de la société

En tant que stratège de l’innovation, Stefaan Vandist inspire des entreprises comme L’Oréal, Beaulieu International Group et Love Tomorrow qui souhaitent devenir plus durables. Sans jamais pointer de doigt accusateur, toujours avec son enthousiasme contagieux légendaire. Son livre rassemble 33 études de cas réels et passionnants, offrant un canevas pour un monde plus durable. Il souhaite inspirer les entrepreneurs à penser grand et à unir leurs efforts. « L’avenir appartient aux entrepreneurs qui tombent amoureux d’un problème plutôt que d’une solution. »

Snapshot : ‘Pretopia est un espace mental qui offre des possibilités d’expérimentations futuristes’, peut-on lire dans votre livre. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Stefaan Vandist : Pretopia est une représentation attrayante du futur dont nous pouvons débattre. J’ai imaginé ce concept afin de créer un espace mental libre au sein duquel il est possible d’expérimenter. Si vous soumettez des chiffres et des statistiques à un groupe de personnes, ils argumenteront parce que tout le monde voudra avoir raison. Si, par contre, vous titillez leur curiosité en soumettant une vision attrayante du futur, vous donnerez lieu à un débat intéressant. Un débat qui donnera envie d’agir. Pretopia nourrit la créativité et permet l’émergence de l’innovation.

Le phénomène de polarisation explose dans notre société. La gauche contre la droite. Le nombrilisme contre le cosmopolitisme. La nature contre la science. En réfléchissant de manière créative à notre avenir, nous pouvons transcender ces clivages et aller au-delà des frontières idéologiques. Quelque chose de neuf émerge, quelque chose qui nous inspire et nous lie.

Faut-il dès lors lire votre livre comme une prédiction de l’avenir ?

Prédire l’avenir, c’est pour les diseuses de bonne aventure. C’est plutôt un livre d’exploration du futur. Nous ne pouvons pas prédire l’avenir, mais nous pouvons nous l’imaginer. C’est l’objectif de mon livre.

Je pourrais remplir ma bibliothèque de livres qui analysent nos problèmes actuels. J’ai préféré proposer des solutions. Des exemples concrets et pragmatiques qui incitent les gens à agir. Pretopia n’est pas une utopie, car les utopies sont irréalisables ; ce n’est pas une dystopie non plus, car il s’agit d’un concept radicalement positif et non anxiogène.

Dans le sous-titre de votre livre, vous faites le lien avec l’entrepreneuriat. Pourquoi ? Les entrepreneurs vont-ils sauver le monde ?

L’entrepreneuriat est le moteur du changement. Les entrepreneurs savent comment faire évoluer les idées et donner vie aux rêves.

Les entrepreneurs peuvent tous explorer une meilleure manière de faire dans leur secteur parce que, dans chaque secteur, il est possible de croître et de s’améliorer. La circularité de notre économie fluctue autour des 8,6 % selon le Circularity Gap Report 2022. La pollution est souvent la conséquence de secteurs mal organisés, d’une logistique obsolète et de solutions du 20e siècle qui ne sont plus adaptées aux problèmes contemporains. Les entrepreneurs ont la capacité de faire évoluer l’innovation et de l’appliquer dans leur secteur d’activités.

Imaginons qu’en tant qu’entrepreneur, je souhaite m’engager pour le développement durable, mais que je ne sache pas vraiment par où commencer. Comment dois-je m’y prendre ?

Je crois fermement en l’approche design. Change by design. Ça ne sert à rien de continuer à faire du brainstorming au bureau. L’heure est venue de se retrousser les manches et de développer des objets à exposer par exemple dans l’entreprise pour rendre visible et tangible votre vision de l’avenir. Les gens pourront ainsi y réagir, et c’est de cette spirale ascendante et de cette interaction que naîtra l’innovation. Nous ne devons pas attendre qu'une idée soit parfaite. Nous devons simplement nous jeter à l’eau.

La peur de l’imperfection empêche les entreprises de communiquer à propos des initiatives de développement durable qu’elles ont déjà prises. Or nous devons oser montrer notre vulnérabilité et parler de nos défis. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons mutuellement nous tendre la main et œuvrer ensemble pour trouver les solutions.

Vous parlez des ‘années 20 de la transformation’ dans votre livre. Tout doit se passer maintenant ?

Avant le coronavirus, nous prêchions, nous les penseurs du développement durable, pour notre chapelle et aux pionniers de l'époque. Aujourd’hui, nous constatons que les autres nous ont emboîté le pas et qu’ils sont en train de rattraper leur retard à la vitesse VV’. Le fait que le développement durable ne soit plus ni une tendance, ni une idée marketing, mais bien un principe est plutôt encourageant. Le changement devient tangible.

Les exemples que vous citez dans votre livre sont principalement urbains. Pourquoi ?

Seuls 3 % de la surface de la Terre sont urbanisés, mais les villes représentent 80 % de l’économie et la moitié de la consommation mondiale. Ainsi, 80 % des déchets sont produits dans les villes, et la moitié des matières premières y sont consommées. Les transitions sociétales sont donc plus rapidement visibles dans les villes, dans ces jardins humains à forte densité de population. C’est pour cela que les villes sont aussi fascinantes, même si les zones rurales subissent aussi une réforme radicale. Notamment dans le domaine de l’agriculture et de l’horticulture. Les exemples les plus passionnants se trouvent juste sous nos yeux. Du coup, voir des entrepreneurs à la recherche d’innovations s’envoler vers les États-Unis me laisse toujours quelque peu perplexe. Il y a tant de choses à découvrir chez nous. Citons notamment la Vegan Valley et les communes rurales de la Gueldre, comme Holten et Ochten. Sous l’égide de l’université de Wageningen et de FrieslandCampina, 80 entreprises se sont penchées sur la transition des protéines animales aux protéines végétales. C’est là que ça se passe !

Quels acteurs vont réussir, selon vous ?

Les entreprises amoureuses d’un problème plutôt que d’une solution. Ne cherchons plus après les lacunes du marché mais celles de de la société. L’avenir appartient aux entrepreneurs qui sont motivés par un objectif et une mission, sans se laisser séduire par une seule et unique solution. Il faut viser plus haut. Prenons l’exemple du Boucher Végétarien. Cet homme voulait convaincre les gens de manger végétarien. Imaginons qu’il ait créé un seul burger de soja et qu’il s’en soit contenté, il n’aurait jamais construit l’empire qu’il a vendu à Unilever. Il faut oser rêver et tendre la main aux autres pour pouvoir réaliser son rêve. La générosité et le partage des connaissances sont également essentiels.

Cela fait penser à Think big et Excel together, deux de nos valeurs fondamentales chez Gumption ! Quel rôle attribuez-vous à la technologie dans cette optique de durabilité ?

Nos connaissances technologiques actuelles sont cruciales pour cette transition. Les Big data, la 5G et l’IA sont essentielles. L’absence de développement durable résulte souvent d’une combinaison d’éléments mal organisés. La glace, le désert et les terres infertiles recouvrent un quart de la surface de la Terre. Le Crowther Lab de l’Université de Zurich étudie par exemple en collaboration avec Google et la NASA comment changer la donne grâce à la technologie.

Les nouvelles technologies informatiques ont révolutionné la vie au bureau et bouleversé de nombreuses niches. De l’achat de vêtements à la réservation d’un voyage. Ce bouleversement va également s’observer dans l’agriculture. Imaginons que nous réussissions à manger de manière plus végétale, grâce à la viande de culture conçue en laboratoire au moyen de la technologie. Nous pourrions rendre à la nature les 80 % de la superficie de la terre que nous utilisons aujourd’hui pour l’agriculture. C’est quand même beaucoup plus passionnant que d’aller sur Mars, non ?

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